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« Ce cancer, on va lui faire la peau. La maladie ne peut pas gagner, notre amour est trop fort. Mon Ours, mon chéri, tu es ma force, tu es mon soleil et nous allons gagner » Voilà ce que tu me disais, ma Sylvaine, si souvent, pendant cette lutte de près de 2 ans contre le cancer. Mon Petit Renard Gris.... Le cancer a gagné, mais il n'empêche, notre amour est le plus fort et tu es tout mon soleil. Mon Petit Renard Gris, mon P.R.G... c'est ainsi que je t'ai baptisée lorsque tu es entrée dans mon cœur et que tu as commencé à illuminer ma vie. La maison s'est alors recouverte de petits affichettes vantant la joie d'avoir un PRG chez soi !
La vie recommençait. Nos nuits sont vite devenues blanches, la musique de Pieranunzi les berçait. Le matin, il fallait courir pour être à l'heure dans nos écoles. Depuis, nos corps s'étaient assagis, enfin, ...juste un peu, ...mais l'amour avait encore grandi. Ma chérie, mon Petit Renard Gris, … Ces temps-ci, nous pensions à la retraite, nous pensions au temps libre qui s'annonçait, nous pensions à notre grand projet : la « Boulange », la maison de Laguépie. Il y a 3 ans et demi, nous avons acheté cette grande maison pour y accueillir notre grande famille, tes trois enfants, les trois miens, et les petits enfants à venir. Depuis, d'ailleurs, Le Petit Joseph, le premier de nos « petits enfants » est né, et a commencé la série de la nouvelle génération. « La Boulange », notre grand projet plein de travaux et de promesses. Nous pensions au plaisir d'y vivre bientôt, en accueillant souvent Jo ta maman, nos enfants, nos frères, nos amis. Ce devait devenir un lieu de vie bouillonnant. Il était même question d'y organiser des concerts. Tu aimerais, je le sais, que cette aventure continue, et que « la boulange » rie de nouveau.. Ce sera difficile, sans toi, mais nous essaierons de poursuivre ce projet. Depuis cet été, Anatole, mon fils chéri, avait rejoint notre maison et partageait notre vie au quotidien. Tu étais très proche de lui, tu m'aidais à renforcer des liens fragilisés par des années de séparation. Il t'aimait beaucoup ; il est très affecté par ton départ. Nous le sommes tous. Comment imaginer aujourd'hui que nous ne pourrons plus blaguer, rire, dire des bêtises, chahuter, nous regarder au fond des yeux et sourire, comme nous le faisions à chaque instant. Mon Petit Renard Gris, chaque jour, je m'installais au piano et je jouais pour toi. Tu adorais mes musiques, de la « bonne musique d'Ours », comme tu disais. Il faudra du temps pour que je joue de nouveau. Pour l'instant, c'est difficile. Mais je jouerai encore pour toi. Nous ne devrions pas pleurer. Toutes les photos te montrent le visage illuminé d'un sourire merveilleux. Comme tu me le disais si souvent, tu as vécu ces dernières années un bonheur que tu n'aurais pu imaginer. Notre amour était le plus fort, et toi, tu étais la joie et la gaieté incarnées. Nos enfants doivent savoir combien nous avons été heureux. Tu pars avec ce bonheur dans tes yeux amoureux, sous le regard mouillé de mes yeux amoureux. Mon Petit Renard Gris, mon amour chéri, on a cru à la vie jusqu'au dernier moment. Les médecins nous mettaient pourtant les points sur les I depuis quelque temps, mais nous avions tant de force, tant de projets, tant d'amour, comment les croire, et pour quoi faire ? Moi, je n'ai jamais réussi à les croire. Ce que nous voulions, nous qui sommes de la tribu des gentils, c'était juste vivre, sans embêter personne. Maintenant, avec toi qui n'avais pas la faiblesse de croire à la magie, ni au surnaturel des religions, pour moi et d'autres qui ne croient pas non plus à ces chose-là, il nous reste la force de ton sourire, gravée dans notre chair, pour continuer d'avancer. Il nous reste la force de l'amour que tu portais à chacun d'entre nous ; cette force, tu le sais, ne nous quittera pas et nous aidera à vivre, malgré ton inacceptable absence. Nous ne croyons pas au paradis, pas à l'enfer non plus. Nous croyons à la vie. Nous savons que tu es passée en nous, et tant que nous vivrons, tu vivras. Mon amour chéri, je ne veux pas parler trop longtemps. Mon cœur est empli de toi, de souvenirs multiples, de projets, de sons, de musiques, et il faudra du temps pour que s'apaise la douleur de ton départ. Simone, ma maman, qui te considérait comme sa fille et qui t'aimait énormément, a écrit cette semaine : « Quoi dire ? Devant l'immensité de ta douleur, mon fils, toute parole est insignifiante. Je n'ai pas le droit de chercher des mots qui de toute façon, n'apaiseront pas ton mal. L'adoration que t'a portée Sylvaine est rare. Par delà la séparation qui vient de vous désunir, elle demeure ; j'en suis sûre ; une éternelle adoration. » Mon Petit Renard Gris, je voudrais maintenant te laisser la parole. Lorsque nous avons appris en novembre, que des métastases étaient apparues sur les vertèbres lombaires, tu avais écrit ceci :
« Mon amour mon amour, La seule chose qui me vient à l'esprit maintenant, c'est : C'était merveilleux la vie avec toi, jamais rien connu de pareil, une telle plénitude. Maintenant, c'est perdu, mais j'ai eu mon comptant de bonheur. J'aimerais finir le moins mal possible, entre partir vite sans souffrir, et partir en souffrant suffisamment pour que tu acceptes de me laisser partir. Mourir, c'est mourir, mais, … ceux qui restent...»
Plus récemment, en janvier, tu avais écrit : « Je crois que nous avons eu le meilleur, et on pourrait penser que nous finissons sur le pire. Mais non, ce n'est pas comme cela que je vois les choses. Le pire, ça aurait été de partir dans le chagrin créé par l'abandon. Mais je ne vous abandonne pas, les uns et les autres, car ce n'est pas un abandon, mais une absence, cruelle et définitive, mais juste une absence. Et chacun devra la vivre selon ses envies, mais avec courage, en sachant que si c'est la fin de ma vie, ce n'est pas la fin de la vôtre. Il vous reste tant de choses à faire, et tellement que je n'ai pas le temps de tout citer : vie à construire, foyer à trouver, accompagner les autres, construire un adulte, et même toi, ma mère, contrairement à ce que tu crois, ton rôle n'est pas fini avec ma disparition : tu as un fils qui t'aime, et qui cherche sans arrêt à te faire plaisir. Et la présence de Roland m'a fait voir que mes enfants étaient maintenant des hommes. Avec leurs défauts et leurs qualités. Et sur lesquels on pouvait compter en cas de besoin. Combien de fois m'a-t-il dit « mais demande donc à tes fils ! » alors que ça ne me serait pas venu à l'esprit. »
Le 17 janvier, pour la dernière fois, car après tu étais trop fatiguée, tu as écrit : « Voilà, J'ai parlé à Roland. En fait, je crois qu'il savait sans vouloir savoir. Comme moi, Dur Mais peut-être dans quelques heures tu vas me détester de t'abandonner, avec tous nos projets, tous nos espoirs, tous nos enjeux de malheureux jusqu'à présent et qui ont trouvé brutalement ce qu'ils cherchaient depuis si longtemps. Penser à autre chose ; oui, il ne faut pas que l'approche de la mort ne nous fasse penser qu'à cela. Il faut vivre... sans blesser ceux qu'on aime. Je voudrais finir ma vie dans ce bonheur confortable : avoir un compagnon qui me chérit ; des enfants attentifs et conscients de ce qui se passe, sans drame. Des amis qui pleurent s'ils veulent, on a le droit, mais qui soient vrais, sans grandiloquence ; un frère qui comprenne que rien n'est éternel, et qu'on peut partir et laisser partir avec un semblant de sourire ; une mère qui sache faire face et tourner son amour vers son fils. En fait, je veux beaucoup de choses, mais en résumé, je crois que cela s'appelle la paix. Que chacun s'apaise ; nous avons eu le temps de nous y préparer. Voilà au moins un bienfait d'être prévenu ! Et puis, je n'aurai pas à me soucier de Zimer, ce fameux Al, pas à me soucier d'un corps qui met des années à se dégrader, enfin, de tout ce qui rend l'idée du vieillissement insupportable. Que chacun s'apaise. » |
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